Dès les sept heures, le soleil nous fait sortir de notre sac à viande. Nous n’avons pas correctement orienté notre tente par rapport aux ormes bordant le chemin agricole en parallèle duquel nous avons installé la tente. Je suis le seul à bénéficier d’ombre.
Notre réveil se déroule à mesure des troupeaux passant sur le chemin. Une fois ce sont des vaches, celle d’après des brebis. Quatre bergers passent au total avec un cheptel allant de quatre à des dizaines de bêtes.
Nous sommes à l’ombre des arbres maintenant, dégustant notre petit-déjeuner et le courage nous fait défaut pour braver le soleil. Se faire taper dessus à longueur de journée en deviendrait presque oppressant. Nous délayons donc notre départ, stratégie complètement court-termiste.
Nous partons finalement sur les coups de dix heures et rejoignons la nationale pour faire le plein d’eau. Nous effectuons notre premier arrêt trente kilomètres plus loin à l’abri d’une station méthane.
Oui, station méthane et pas station essence. Ici, la plupart des véhicules roulent au gaz et c’est en majorité du méthane et non un mélange propane butane comme le GPL chez nous. Les tracteurs, agricoles et routiers, roulent eux aussi au gaz, ils empilent les réservoirs partout où la place le permet, des fois même sur le toit. C’est d’ailleurs à cause de ce besoin de place que les automobiles ont des berlines: l’espace du coffre est réservé à cinquante pour cents au réservoir de gaz. Le plein est fait à basse pression pour minimiser les risques, il peut donc durer très longtemps: jusqu’à quasiment une heure pour un poids-lourd. Les stations méthane sont donc des portics géants pouvant accueillir une quinzaine de véhicules en parallèle.
Deuxième arrêt aux alentours des soixante-dix kilomètres à l’ombre de bamboux. Nous tentons une boisson contenant de petits morceaux d’aloe vera. Incongru et bon, 8/10.
Nous sommes à vingt-cinq kilomètres du centre ville de Tashkent lorsque Nicolas remarque une crevaison lente sur son pneu avant. Il applique une nouvelle rustine sur sa chambre à air qui ressemble de plus en plus à une robe à pois faite de caoutchouc avec toutes ses réparations.
Depuis l’ombre, nous observons un bouchon se créer sur la nationale. Les deux voies se transforment en quatre, les berlines Chevrolet se transforment, elles, en véhicules tout terrain. Les coups de patins s’enchaînent, les tôles frôlent d’être froissées. Nous ne sommes pas rassurer à l’idée de repartir étant donné que les nouvelles voies temporaires occupent l’espace entre la ligne blanche et le bas côté que nous occupons habituellement.
La réparation terminée, nous nous remettons en route avec nos feux arrière clignotants. Nous sortons très vite du marasme pour passer dans les faubourgs industriels. Ensuite, c’est une dizaine de kilomètres de périphérique qui nous attend. Ce sont de gigantesques avenues d’au moins quatre files dans chaque sens bordées de végétations arrosées allègrement.
Nous arrivons dans une auberge de jeunesse et, après une partie de négociation, qui nous économise six dollars par nuit, nous entrons dans notre chambre. Elles sont toutes nommées après une montagne célèbre. Nous nous voyons assigner Mont-Blanc, espérons que cela nous porte chance.
L’air, dans un espace confiné comme celui de notre chambre, se sature très vite d’odeur de sueur. Notre première douche en une semaine nous attend.