C’est la première fois que nous crampons en montagne depuis la Géorgie!
Première chose à l’ordre du jour: mettre en place l’acheminement d’un colis depuis la France. Il faut que nous changions nos pneus pour le Kyrgyzstan et changer la manette de dérailleur avant de Nicolas ne serait pas du luxe non plus. Entre la récupération de l’adresse de notre contact à Tashkent, l’enregistrement des droits de douane, les erreurs fallacieuses du site internet du transporteur qui m’obligent à recommencer le processus de zéro, nous perdons deux bonnes heures.
Enfin, nous enfourchons les vélos et terminons la montée d’hier là où nous l’avions laissée. Le vent est toujours présent. L’échauffement pique ce matin.
Nous attaquons la descente. Bien sûr, le bitume était neuf côté montée, il est défoncé ici. Les paysages sont très jolis mais il est difficile d’en profiter les doigts sur les freins à guetter les nids de poules. Les conditions malmènent tellement les vélos que Nathan perd sa trousse à outils et le beurre de cacahuètes, puis Nicolas perd une tong. Heureusement, les pertes sont signalées et il ne leur faut remonter que quelques dizaines de mètres pour récupérer leurs affaires.
Nous arrivons à Bogdon, aussi connu sous le nom de Forish ou Yangikishlak. Nous faisons nos courses et déjeunons sur un banc sous un orme. Nathan discute avec les vieux du village à coup d’application de traduction comme il en a pris l’habitude.
Le zénith passé, nous prenons la direction du lac d’Aydar. Chaque tour de roue déclenche l’envolée de multiples criquets. Le patchwork de pansements bitumineux qui forme la route est d’ailleurs jonché de cadavres écrasés par les automobilistes.
La route se transforme en piste et ce sont peut-être les meilleurs kilomètres ouzbeks qui s’offrent à nous. La piste est lisse et ondulée, du régal.
Nous dépassons une mine de plomb, zinc et berite.
Nous nous approchons du lac Aydar: une étendue d’eau artificielle mesurant trois milles kilomètres carrés créée durant l’époque soviétique pour concentrer des précipitations. Nous continuons notre tracé sur la piste. Deux chiens belliqueux nous prennent en chasse. La course poursuite dure plusieurs centaines de mètres. Par chance, nos mollets en sortent indemnes. Nous ressortons les antivols que nous utilisons comme fouets. Ils n’avaient pas vu le jour depuis la Géorgie.
J’écris ces lignes, Nathan a fait demi tour pour récupérer son antivol qu’il a laissé tomber et Nicolas est parti explorer les montagnettes qui bordent le lac.
Nicolas revient enfin. Cela me permet de partir à la recherche de Nathan. J’imagine le croiser à chaque silhouette se dessinant au loin. A chaque fois, cela se révèle être une vache. Cette fois-ci c’est la bonne, je le vois arriver triomphant. Il a son antivol, les poches remplies de prunes refilées par le propriétaire du ranch voisin et un bâton en bois d’un mètre de long car il a recroisé d’autres chiens méchants.
Nous repartons pour quelques kilomètres et nous arrêtons au bord d’une plage. Séquence bain douche dans le lac puis je prends de la hauteur à la recherche d’un signal internet pour prendre des nouvelles du colis.
Je rentre bredouille. Le soleil se couche, le vent se lève. Les nuées de moustiques viennent se réfugier à l’abri du vent c’est-à-dire à l’endroit même de notre campement. Le dîner est avalé au rythme endiablé des claques sur la peau. Nous rentrons dans la tente et exterminons ceux qui ont réussi à se faufiler.
Sur l’eau, un pêcheur quitte la plage sur sa barque en chantonnant.