Thibault se lève avant nous et part en premier en se disant que nous nous reverrons dans la journée. Nous ne le recroiserons pas.
Nous rejoignons la route en construction qui est parallèle à celle existante. Malheureusement, le billard ne dure que cinq kilomètres. Le revêtement devient ensuite du sable. Mais nous allons aussi vite que les camions parallèles.
Après quelques dizaines de kilomètres, nous retentons notre chance sur la route principale. Elle est en piteuse état. Il y a des séquences de nids de poule infernales qui peuvent durer quelques mètres ou plusieurs kilomètres. A chaque fois, il faut freiner, trouver la trajectoire qui épargnera le plus le vélo et relancer quand le revêtement le permet. C’est un test mécanique pour la machine et un test à la fois technique, physique et mental pour nous. C’est l’enfer du nord ouzbékistanais!
Nous passerons de la route en construction à la route normale (ou vice-versa) trois fois à la recherche d’un revêtement meilleur. Chaque occurrence nécessite de traverser cinq cents mètres de désert où la terre est craquelée et les ornières de sable dures comme du béton. Nathan chute d’ailleurs dans une d’elles.
Au sujet de désert, nous avons franchi un nouveau cran. Il n’y a ici plus âme qui vive: plus de camelidés, plus de chevaux, seulement quelques oiseaux assoiffés et des mouches à l’affût de la moindre goutte d’eau qui pourrait s’échapper de notre corps. Nous commençons à piocher dans notre stock de pastilles effervescentes riches en sels minéraux afin de limiter nos pertes.
Nous nous arrêtons au niveau du village de Bostan faire le plein d’eau. Nous reconnaissons les camions que nous avions doublé à la frontière hier. Ils ont mis vingt-quatre heures à faire cent kilomètres. L’un d’eux nous reconnaît aussi et nous propose de faire le voyage jusqu’à Tashkent dans sa remorque. Nous refusons poliment.
Retour sur la route et ses innombrables défauts. Pour couronner le tout, un vent de face se mélange au cocktail épuisant qui nous écœure depuis ce matin.
Nous rallions enfin Jasliq pour nous ravitailler. Nouvelle scène à laquelle nous commençons à nous habituer: les gosses du village s’attroupe et nous demandent de conter notre histoire.