Nathan commence sa journée par faire tomber la gourde de Nicolas. Elle casse.
Nous longeons de nouveau la mer noire. À l’horizon, les teintes de l’eau et du ciel se mélangent et nous ne distinguons plus où commence l’un et où se ternine l’autre.
Des jambes reposées et un léger vent favorable nous permettent de dévorer les kilomètres. Le début d’une averse nous surprend à l’approche d’un tunnel. Deux kilomètres plus loin, nous émergeons de l’obscurité et, comme par magie, un grand soleil nous accueille. La pluie est restée bloquée de l’autre côté de la montagne.
La campagne pour les élections présidentielles turques, dont le premier tour aura lieu le quatorze mai, bat son plein. Nous croisons le convoi du rival principal d’Erdogan: Kılıçdaroğlu. Il vient chasser sur les terres de son adversaire. En effet, Erdoğan est originaire de Rize, la prochaine ville. Une multitude de panneaux d’affichage à son effigie bordant la route nous avaient mis la puce à l’oreille.
Nous faisons une pause déjeuner à Rize. La ville est bondée. Je me mets en quête d’une supérette afin de trouver un peu de blanc de poulet pour nos sandwichs. Au bout d’une quinzaine de minutes de déambulation entre magasins fermés et immeubles en déconstruction, ma quête prend fin. Je me fraie un chemin parmi la foule sur le retour et, au détour d’une rue, trouve un magasin de vélo. Je tente ma chance pour nos chambres à air. Bingo, le marchand a pile ce qu’il nous faut. J’en prends quatre, histoire de nous constituer un petit matelas pour voir venir les prochaines galères pneumatiques sereinement.
Nous avons quitté la région de la noisette pour entrer dans celle du thé. Ici, les jardins escarpés des habitations ne sont pas des potagers mais des buissons de thé plantés en étage.
Rize est la capitale du thé turc. Elle abrite d’ailleurs le siège social de Çaykur, l’entreprise publique détenant la majeure partie des parts de marché du thé vendu en Turquie. Elle a été créée après la guerre d’indépendance afin de dynamiser l’agriculture dans la région où l’on ne cultivait pas de thé auparavant mais du maïs.
Les embouteillages sont de la partie pour rejoindre la nationale. Nous n’avons pas fait cinq cents mètres que je manque de faucher un piéton.
Nous quittons enfin la ville pour faire une vingtaine de kilomètres et atteindre Çayeli. Une commune qui, comme quelques autres dans les environs a été renommée lors du boom de la culture du thé pour inclure çay (thé en turc, prononcé tchaï).
Nous passons sous la nationale et dînons sur une digue au bord de la mer et apprécions le coucher de soleil. Les collines, de l’autre côté, sont vertigineuses: en rentrant deux kilomètres dans les terres, on atteint les cinq cents mètres d’altitude.