Dans les grandes villes, des percussionnistes patrouillent pour réveiller les musulmans pour qu’ils prennent leur petit-déjeuner avant l’appel à la prière de l’aurore. Autant dire que la fin de nuit a été mouvementée.
Des bourrasques à quatre-vingt kilomètres à l’heure sifflent entre les bâtiments telles des enfants qui crieraient dans un parc d’attraction fait de béton. Nous partons avec l’espoir qu’il souffle dans notre sens.
Des virevoltants traversent la route. Nous nous croirions presque dans une bande dessinée de Lucky Luke. Les sacs plastiques tourbillonant dans les airs forment des bulles de dialogue éphémères et muettes.
Nous quittons la zone industrielle de Konya pour la nationale. La route tourne vers le nord ce qui signifie vent dans le dos! Il soulève des quantités de sable impressionnantes. Il faut rouler bouche fermée sous peine d’entendre nos mâchoires croustillées lorsqu’elles se ferment. Cela nous rappelle les côtés méditerranéennes que nous ne reverrons probablement plus du voyage.
Le sable n’est pas le seul à donner un air marin à ce plateau sablonneux. Des rubans de plastiques sur le bas côté de la route, tels des physalies blanchâtres, nous menacent avec leurs tentacules torrentueux dont une piqûre pourrait être fatale pour nos transmissions.
Nous scrutons la route à l’affût des divers objets qui la traverseraient et pourraient venir nous poser problème: sacs plastiques, cartons et toutes sortes de végétaux. Miraculeusement, nous passons à travers les mailles du filet.
Première pause de la journée, nous avons parcouru cent kilomètres en un poil moins de deux heures et quarante-cinq minutes. Nous sommes à Sultanhanı, ce devait être la fin de l’étape d’aujourd’hui, il est seulement quatorze heures.
Toutes les bonnes choses ont une fin. Les nuages bas s’agglomèrent à l’approche des reliefs prochains et de petites averses se déclenchent. Nous déjeunons à l’abri sous l’avancée d’un magasin fermé.
L’averse passée nous nous dirigeons vers l’attraction principale de Sultanhanı: son caravansérail. Nous avons parlé trop vite, Nicolas se prend un sac plastique dans la transmission.
Quelques minutes de bricolage plus tard nous voilà sur place. Les caravansérails sont des hôtels fortifiés se trouvant le long de la route de la soie. Les caravanes des marchands y trouvaient refuge, échangeaient et préparaient la suite de leur voyage. Celui de Sultanhanı date du treizième siècle et est un des mieux conservés.
Sur le parvis, un homme en costume vient nous demander d’où nous venons et se présente comme le maire de la ville. Nous croyons tout d’abord à une mauvaise blague mais en sortant de la ville nous le reconnaissons sur des affiches quatre par trois souhaitant un joyeux ramadan à ses concitoyens.
Nous repartons et admirons le mont Hassan qui nous tiendra compagnie pendant cinquante kilomètres pour rejoindre Aksaray.
Nous sommes accueillis par l’énorme complexe de prisons pour mineurs qui occupe une grande partie du sud est de la ville.
Nous faisons nos provisions et trouvons une maison en construction après une dizaine de kilomètres.