Après avoir admiré les étoiles puis les chiens chassant les coyotes durant la soirée, la nuit fut fraîche pour certains et donc le réveil compliqué depuis ce que nous imaginons être une future salle de bain.
Nous prenons notre petit-déjeuner dans une station-service comme nous en avons pris l’habitude. Une portée de Kangal, le chien de berger turc, nous accompagne. Ils râlent sur toutes les voitures mais pas nous, surprenant.
Nous longeons le lac Beysehir, petit frère du lac d’Egirdir d’hier. La nationale que nous suivons le longe jusqu’à la ville de éponyme au sud puis remonte vers le nord jusqu’à Konya. Après une trentaine de kilomètres, nous coupons au travers pour en gagner une vingtaine. C’est une route de graviers. Nous allons gagner en distance, pas sûr que l’on gagne du temps.
Malgré tout, ce raccourci nous amène devant la source d’Eflatun qui abreuve le lac voisin. C’était un lieu de culte des hittites, peuple qui régnait sur l’Anatolie centrale, que nous traversons, il y a trois milles cinq cents ans.
Nous rejoignons la nationale après une vingtaine de kilomètres de graviers. Nous attaquons maintenant les reliefs de la journée et cela commence avec un très long faux plat montant comme nous en avons maintenant l’habitude en Turquie. La montée se termine par quatre kilomètres à six pour cents pour arriver au col d’Hanonu à 1548 mètres d’altitude. C’est (peut-être) le point culminant de notre périple, pour l’instant.
Juste avant de basculer, un camion à la peine risque quand même l’effort de nous doubler. Cinquante mètres après, un épais nuage blanc s’échappe de son moteur et le chauffeur doit s’arrêter une dizaine de mètres avant le panneau. Le poids lourd perd trois litres de ce qui semble être du liquide de refroidissement sur le bitume. Il a peut-être littéralement pété une durite. Il aurait mieux fait de rester derrière!
De notre côté, nous basculons. Après une courte descente, ce sont quatre kilomètres à huit pour cents qui nous attendent pour arriver au col de Belenbasi à 1460 mètres. La fatigue commence à se faire sentir. Heureusement, il ne nous reste plus qu’à descendre sur Konya. Du moins c’est que nous croyons.
Nous nous consolons rapidement avec la descente sur l’ouest de la ville qui a au moins le mérite de nous faire oublier la fatigue.
Une fois en bas, nous cherchons une chambre où passer la nuit. Pas de bol, le seul endroit correct, disponible et pas cher se situe au nord est de la ville à vingt-et-un kilomètres. A ce moment-là, nous avons déjà cent trente kilomètres dans les pattes.
Nous traversons d’énormes banlieues résidentielles au nord ouest de la ville. L’appel à la prière du coucher de soleil retentit. La ville entre en coma. Tout le monde est parti manger. La sensation de naviguer dans une cité de plus de deux millions d’habitants sans personne dans les rues est très étrange, presque sinistre. L’appel du crépuscule, tel un défibrillateur, redonne vit aux quartiers. Tout le monde va à la mosquée.
Les dix derniers kilomètres sont en faux plat montant. L’envie de balancer les vélos dans le tramway et de finir le trajet de cette manière nous taraude. Pour couronner le tout, la piste cyclable est faite d’un revêtement qui absorbe les chocs. Revêtement qu’on trouverait d’ordinaire recouvrant les aires de jeux pour enfants. Dans notre cas, cela rend le roulement très mou et nous perdons en puissance. Retour sur la route in extremis.
Le propriétaire de l’appartement n’est plus disponible lorsque nous arrivons sur place. Nous faisons des courses et patientons dans un fast food turc en commandant les kofte, les boulettes de viande turques, les moins chères. Deux heures sont passées, pas de nouvelles du propriétaire. Nous le relançons une nouvelle fois et, enfin, il daigne nous accorder de son temps. Nous perdons encore du temps à trouver le bâtiment et n’obtenons les clés qu’à vingt-trois heures. La soirée sera courte.