Nous quittons notre chambre à dix heures quarante, le soleil n’a toujours pas percé, le brouillard l’en empêche.
Nous longeons toujours la côte. Tous les cinquante kilomètres, un château médiéval nous accueille et surveille la baie.
En contrebas la mer s’étend à perte de vue, c’est-à-dire quelques hectomètres étant donnée la brume.
Les reliefs sont très plaisants: courtes montées n’excédant que très rarement les dix pour cents, puis nous nous refaisons la cerise dans la descente. Cela me rappelle la côte ouest corse.
Il est treize heures passées, le soleil transperce les nuages bas, ses rayons nous réchauffent. L’opportunité de déjeuner nous arrête.
Nous sommes sur le point de repartir lorsque nous apercevons un cycliste au loin, c’est seulement le troisième depuis la frontière. Nous faisons un bout de route ensemble et Francesco nous conte sa région. Nous apprenons que les îles au loin étaient des prisons politiques yougoslaves durant le vingtième siècle. Une île pour les femmes et une autre réservée aux hommes.
Nous abordons le sujet de notre itinéraire croate. Francesco nous déconseille de prendre le ferry pour rejoindre l’île de Pag, ce qui était notre plan initial. Il nous révèle que cette île est un piège à touriste et que la côte que nous suivons est plus jolie bien que moins fréquentée. Changement de plan.
Notre guide croate mène notre groupe sur les dix kilomètres de montée après Zrnovnica. C’est mon premier relais en mille quatre cents kilomètres. Il impose un rythme un peu dur pour Nicolas qui reste tout de même accroché. Son vélo fait huit kilos, les nôtres autour de trente-huit!
Nous arrivons en haut et faisons une photo au sommet. Francesco nous propose une clope, bizarre.
Notre ami fait demi-tour au sommet. Je lui lance un “Hvala, doviđenja!” alors qu’il entame sa descente.
Requinqués par cette rencontre, nous suivons les conseils de Francesco et visons Karlobag comme fin d’étape. Nous croisons le ferry en direction de l’île de Pag que nous aurions dû prendre.
Les montagnes grandissent au fur et à mesure que nous descendons, le coucher de soleil les sublime.
Nous arrivons à Karlobag et recevons l’accueil corate: un feu de cheminée accompagné de ses trois verres de slivovice. C’est une eau de vie extrêmement populaire dans les pays slaves à base de prunes, de quetsches pour être précis. Nous allons bien dormir.